Selon Jacques Rancière, le documentaire est une forme fictionnelle particulière; tout en maintenant une illusion de représentation de la réalité, il utilise l’archive non-fictionnelle pour tisser une narration (Rancière 2001). Les prétentions de vérité du documentaire contribuent à invisibiliser les artifices de l’intermédiation entre la captation “directe” d’images (ou autres données) d’archives et la fiction, cette dernière servant d’outil de réécriture de la réalié. Le pont produit entre plusieurs formes de représentation de l’information rappelle l’impératif de Galloway “data have no necessary visual form” (Galloway 2011), la narration formant de par sa nature des liens arbitraires entre ses éléments (Rancière 2001). Parallèlement, le documentaire produit un effondrement de la distance entre le spectateur et le narrataire : une superposition qui facilite la modification du régime de vérité du spectateur vers celui du public assumé par les documentaristes. Le but de partage d’information du documentaire est supplanté par le déploiement d’orientations politiques et par la normalisation d’un rapport à la réalité. Fonctionnellement, le documentaire produit des déplacements, d’abord chez son matériel (de l’archive à la fiction, de méthodes filmiques à outils politiques), puis chez les spectateurs (déplacements du régime de vérité, réorientation émotionnelle).
Cette présentation offre un cadre théorique pour traiter de la remédiation d’images d’archives sous une forme fictionnelle en mobilisant des principes filmiques (Hitchcock et Markle 2011), la théorie de la réception (Gibson 1950), et le concept de régime de vérité de Foucault (Lorenzini 2013). L’approche proposée souligne les dangers épistémiques de la propagande et l’importance de la lecture critique, qu’elle soit négociée ou oppositionnelle (Hall 1993). Un fragment de téléjournal est utilisé comme étude de cas pour exemplifier l’utilisation de ce cadre théorique.
Références
Les discours sont constitués d’énoncés qui, grâce à un système de référence à la réalité, permettent de communiquer des informations et des idées, ainsi que de produire des actes de langage. Catherine Kerbrat-Orecchioni (1998) compare ces énoncés à un feuilleté, métaphore qui lui permet de mettre en évidence la notion de couches superposées : celle en surface nous cache les strates inférieures et il nous appartient de décortiquer cet énoncé de départ pour en révéler les couches dissimulées. Il importe ainsi, lors d’analyses de discours, de comprendre ce qui est déclaré mais également ce qui n’est pas explicitement dit tout en étant implicitement transmis.
La connotation se place en marge des outils implicites. En effet, selon Kerbrat-Orecchioni, dans « la dénotation, le sens est posé explicitement, de manière irréfutable; son décodage est général » alors que le sens connotatif, lui, est « suggéré » et « son décodage est plus aléatoire » (1977 : 17). Un objet fait de papier avec une couverture et avec du contenu (iconographique ou textuel) peut être appelé « livre », « ouvrage » ou « bouquin ». Bien que renvoyant à une réalité unique (dénotation commune aux trois termes), les trois mots portent un sens connotatif différent (registre et contexte). Constituée par ce qui est ajouté à l’énoncé, adjoint à ce qui est posé, la connotation permet de transmettre une information périphérique au message sans la mentionner explicitement. En choisissant un mot plutôt qu’un autre pour parler d’un référent identique, le locuteur décide de l’angle sous lequel la réalité est présentée. La maîtrise de ces outils permet donc à l’orateur de transmettre des informations de façon oblique ou dissimulée. Cette communication s’attachera à analyser certains termes utilisés par les candidats aux élections présidentielles américaines de 2004, 2008 et 2016 lors de leurs allocutions et des débats officiels. Il s’agira d’analyser cette parole politique et ces sens encodés dans un objectif politique : favoriser l’élection du nouveau président.
Bibliographie
Language and Literature are double-edged swords: not only do they reiterate beliefs and ideologies, but they might also help destabilize enduring prejudices and preconceptions, actively shaping the reality we live in (Volóchinov, 1929). When it comes to the teaching of English as an Additional Language worldwide, research has been pinpointing a long alignment to colonial perspectives. Time and again, global coursebooks and academic programs which pose as innocuous have been presenting varieties from the North as assets or “commodities” to be mimicked by “non-native speakers » for the sake of financial leverage (Kumaravadivelu, 2016; Gray, 2013; Flores and Rosa, 2015). Given such issues, this presentation will outline a project constructed to provide a decolonial approach (Mignolo, 2010; Jansen, 2017) to the teaching of peripheral and canonical literary productions, concurrently. By means of emancipatory (Freire, 1996), transgressive (Pennycook, 2006; hooks, 2013), and INdisiplinary (Moita-Lopes, 2006) approaches to Applied Linguistics, a set of didactic materials were designed to promote critical dialogues in groups of 7th graders enrolled at a public school in Rio de Janeiro, Brazil. Students were invited, for instance, to reflect upon racial and social implications in adaptations of Shakespeare’s Othello and in a book entitled From my window, written by Otávio Júnior (an award-winning Brazilian writer and theatrical producer). The data, investigated through a “Dialogical Discourse Analysis” (Brait, 2006) of auto-ethnographical basis (Adams, Jones, Ellis, 2014), have indicated that the texts selected are permeated by social voices (Bakhtin, 1981) which might be either questioned or bolstered, ultimately contributing to more equitable educational environments.
References
Cette communication abordera la question du rapport entre langage et réalité sous l’angle de la sociologie. Plus précisément, elle posera le problème de ce que l’on appelle une ontologie du social, c’est-à-dire de la formulation langagière de l’existence d’une réalité sociale (Berthelot, 1990; Lahire, 2021; Nef & Berlioz, 2021).
Plusieurs théories ont été avancées afin de répondre à ce problème, mais en cherchant – à l’image d’une théorie de l’action (Bourdieu, 1979, 1980) – moins à expliquer qu’à justifier philosophiquement et politiquement cette existence, elles n’ont pas su fournir une réponse scientifique satisfaisante. Aujourd’hui encore, le « social » relève plus d’une construction langagière caractérisant un rapport subjectif à la réalité, que d’une réalité objective en soi.
En adoptant une approche réaliste et en m’appuyant sur des résultats issus de recherches en sciences cognitives (Reboul, 2007; Kemerer, 2015) je défendrai l’idée qu’une conception objectiviste de la réalité sociale est possible et qu’elle peut nous aider à sortir d’un certain nombre de débats – à l’image du constructivisme social (Berger & Luckmann, 1966/2018; Searle, 1998). Cette proposition nous conduira toutefois à un paradoxe : la formulation de la réalité est la réalité à formuler.
Afin de le dénouer, j’aborderai le problème posé par l’existence d’un pouvoir du langage. Car depuis la conception aristotélicienne de l’homme comme animal politique, aux réflexions sur la performativité du langage (Austin, 1962/2002; Denis, 2006; Vayre, 2014), cette idée, qui est au cœur de la réalité sociale (Goody, 2007; Boutet, 2010; Butler, 1997/2017; Viktorovitch, 2021), pose des questions similaires : Peut-on saisir son existence? Quel rapport à la réalité? Comment l’expliquer?
Cette communication cherchera ainsi à montrer que la question d’une ontologie du social peut être résolue à la lumière de celle du pouvoir du langage, en faisant du langage la réalité spécifique des interactions dites sociales.
Bibliographie