Aperçu : La richesse et la complexité des contrastes sémantiques exprimés par les démonstratifs (DEM) en langue inuit (Inuit–Yupik–Unangan) ne fait pas de doute dans les descriptions grammaticales du continuum inuit (Denny 1982) et la littérature typologique (Anderson & Keenan 1985; Diessel 1999). Cette classe fermée de mots fonctionnels investis dans la mise en relation de référents dans le temps, l’espace et le discours compterait jusqu’à 30 radicaux renvoyant à des configurations de distance (prox/dist
), d’emplacement (up/down, in/out
), de classification (restreint/étendu) et de visibilité distinctes (Denny 1982; Fortescue et al. 2010; Fortescue 1988).
Sujet : Cette étude se concentre sur la question de l’accessibilité sensorielle, en particulier sur les √dem
caractéristiques des contextes où le référent est « invisible » (Clase 1974; Grenoble et al. 2019; Lowe 1985abc; MacLean 2014), « obscurci » (Fortescue et al. 2010) ou « hors-champ » (Denny 1982). Crucialement, aucune étude en profondeur ne fournit à ce jour l’assise empirique qui permette de préciser l’interaction entre le recours aux √dem
et l’accessibilité du référent vis-à-vis diverses dimensions sensorielles.
Question : Quelles dimensions perceptuelles sous-tendent l’usage des √dem
en langue inuit? Concrètement, lesquelles {peu/doi}vent être utilisées en présence d’un référent perceptible par l’ouie, l’odorat ou la proprioception, mais pas par la vue?
Méthode : Je présenterai des données issues de séances d’élicitation linguistique avec des locuteur.trice.s natif.ve.s de l’inuktitut de l’Est du Canada ancrées dans des contextes de référence exophorique réels et hypothétiques distingant les différentes dimensions perceptuelles (à la Skilton 2021).
Implications : En fournissant des données probantes, cette étude permet de parfaire notre compréhension de la sémantique des démonstratifs en langue inuit, tout en ayant des retombées sur le débat en cours sur la nature de l’encodage de la visibilité dans les éléments déictiques (Levinson 2018; Skilton 2021).
Références
Do concepts derive directly from sensory experience (De Vega et al. 2008) or rely on linguistic categorization (Bedny and Saxe 2012)? If conceptualization relies only on sensory experience, the semantic representations of congenitally blind people should be substantially different from those of sighted speakers (Marotta 2013). I tested this hypothesis, comparing the linguistic representations of static, projective spatial relations (frames of reference) along the front/back axis on the horizontal plane of 12 sighted and 12 congenitally blind Traditional Negev Arabic speakers, testing them in their home villages (Ksīfih, Ligiyyih, Rahaṭ). Traditional Negev Arabic is a variety of Bedouin Ḥijāzī Arabic spoken in the Negev desert by tribal elders over the age of seventy-five.
Frames of reference (FoRs) are linguistic coordinate systems used to locate an object (Figure, F) in relation to another object (Ground, G) by dividing the space around G into search domains, as in ‘The car (F) is behind (search domain) the tree (G)’ (Levinson 2003). FoRs are of three main types:
Individual tests for linguistic elicitation were developed based on Levinson et al. (1992) and Cerqueglini (2015). All informants answered the question wīn F min G? ‘where is F in relation to G?’ for the same series of 30 arrays I placed on a table in front of them. Communicative director‒matcher tests were adapted from Bohnemeyer (2011): director/matcher couples, chosen from within the same group (sighted or blind) sat side by side facing the same direction. Sighted informants were separated by a screen. A series of 20 FG arrays were placed on the directors’ tables and they had to describe them aloud so the matchers, who were allowed to ask up to two questions, could reproduce them on their tables within 12 seconds. In both experiments, stimuli consisted of toy objects accessible to informants’ touch.
In agreement with the findings of Cerqueglini (2015, 2022), in Traditional Negev Arabic the object-centered FoR applies only to culturally salient, familiar, faceted Gs (man/horse/camel/ knife/tent/coffeepot). Ego-centered representations are applied to familiar yet symmetric Gs (stone/tree) or ‘culturally symmetric’ Gs (sheep/goat) when FG are aligned in the middle of the speaker’s visual field. (No inherent asymmetries are recognized for sheep/goat as spatial Gs following cultural conventions, and they are treated like stone/tree Gs). Lateral representations, non-culturally salient or modern Gs, and axial conditions different from the alignment with the speaker are treated geocentrically.
Like speakers of other languages (Cattaneo and Vecchi 2011), blind Traditional Negev Arabic speakers use FoRs much as sighted Traditional Negev Arabic speakers do, but with some differences. All frequently used Gs (coffeepot/knife/chair/key/shoe) are treated according to the ego-centered FoR regardless of their cultural saliency. Stone/tree/sheep/goat as Gs are treated ego-centrically along the front/back axis and geocentrically along the lateral axis, independently from FG’s alignment to the speaker’s visual field. Thus, the data collected from Blind Traditional Negev Arabic speakers show that the way in which they interact with objects—based on specific needs and sensory knowledge—is an essential component of the construction of spatial semantics alongside the language-specific and culture-specific semantic constraints shared by all Traditional Negev Arabic speakers.
References
Keywords:
Linguistic categorization and sensory experience, language and vision, semantic representations in blind speakers, spatial frames of reference, Traditional Negev Arabic
L’objectif de cette étude est de tester l’impact de la fiabilité morphologique sur le rythme de maturation du traitement grammatical en français, au moyen de potentiels évoqués (PÉs). À l’oral, l’accord au féminin de ~40% des adjectifs est réalisé via une consonne finale lexicalisée (par exemple, gris/e [gʁi/z]), contrairement aux déterminants qui portent une terminaison vocalique prévisible (par exemple, le/la [lœ/la]). Les études adultes de PÉs avec des stimuli auditifs montrent une négativité biphasique latéralisée à gauche (LAN) + P600 pour les erreurs de genre sur les adjectifs (le chapeau *brune) et une négativité antérieure (AN) + P600 pour les erreurs sur les déterminants (*la chapeau brun) tandis que les enfants plus jeunes présentent des patrons immatures et différents de l’adulte : une négativité centrale (N400) pour les adjectifs, reflétant un traitement lexical de l’erreur, et une positivité frontale tardive pour les déterminants. Dans notre étude, 21 adolescents francophones (âgés de 10 à 16 ans) et 29 adultes ont regardé des images d’objets colorés, accompagnés de phrases auditives les décrivant, et ont porté un jugement de grammaticalité sur chaque phrase pendant l’enregistrement de leur activité cérébrale. Les PÉs pour les erreurs de déterminant ou d’adjectif ont été comparés à des conditions grammaticales. Dans les deux groupes de participants une LAN suivie d’un P600 a été observée pour les erreurs sur le déterminant, tandis que les erreurs sur l’adjectif induisent chez les adultes une LAN + P600, mais une N400 + P600 chez les adolescents. Ces résultats appuient la notion que l’accord de l’adjectif serait en consolidation à l’adolescence, contrairement à l’accord du déterminant qui lui serait acquis, et que la fiabilité (prévisibilité) morphologique de l’accord de l’adjectif expliquerait cette disparité dans le rythme de maturation.
Avec la collaboration d’Émilie Courteau (Dalhousie University), Stenhauer Karsten (McGill, CRBLM) et Royle Phaedra (Université de Montréal, CRBLM)