Jusqu’aux années 1990, les œuvres autochtones étaient surtout publiées dans des collections ethnographiques, pour leur intérêt documentaire et historique. Au tournant du millénaire, la prise de parole de communautés autochtones, notamment dans le Nord, s’est accompagnée d’un intérêt nouveau pour leurs œuvres, y compris contemporaines, cette fois d’un point de vue littéraire, qui valorise désormais la nouveauté de leurs sujets, de leurs points de vue, de leurs styles et du mélange des cultures qu’on peut y trouver. Du point de vue de l’imaginaire du Nord circumpolaire, la traduction, la publication et la mise en valeur de ces œuvres permet d’opérer un important renversement des perspectives et la mise au jour de discours distincts — de l’intérieur et de l’extérieur — sur le monde froid. Cela pose aussi de nombreuses questions — éthiques, linguistiques, littéraires et éditoriales — qui ouvrent autant de chantiers critiques et méthodologiques pour les chercheurs, les traducteurs et les lecteurs. À partir de quelques exemples récents de traductions, de publications et d’initiatives de mise en valeur, il sera ici question de discuter de certains des enjeux liés à ces questions.
Daniel Chartier est professeur titulaire à l’Université du Québec à Montréal, directeur du Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique, directeur des collections « Jardin de givre », « Droit au Pôle », « Imagoborelis » et « Isberg » aux Presses de l’Université du Québec, codirecteur de l’Observatoire Arctique et Antarctique des sociétés et cultures du Sud et du Nord (ICO) et codirecteur des Axes « Cultures et Sociétés » de l’Institut nordique du Québec.
Au cours des dernières années, il a publié une trentaine de livres et une centaine d’articles sur la représentation du Nord, les cultures inuites, québécoise et nordiques, le pluralisme culturel et l’esthétique de la réception, dont L’émergence des classiques (1998), Le(s) Nord(s) imaginaire(s) (2008), La spectaculaire déroute de l’Islande (2010), Le lieu du Nord (2015), Le froid. Représentations, adaptation, effets, production (2018), Darkness. The Dynamics of Darkness in the North (2020), ainsi qu’un essai multilingue en 15 éditions sur Qu’est-ce que l’imaginaire du Nord? Principes éthiques (2019). Avec Louis-Edmond Hamelin, il a publié en 2014 La nordicité du Québec. Il a entre autres dirigé le projet collectif « Iceland and Images of the North » à l’Académie de Reykjavik, un projet de l’Année polaire internationale sur le patrimoine inuit, un projet d’histoire littéraire du Nunavik (2015-2023) et un projet de réflexion sur l’avenir du livre dans les cultures nordiques Québec-Norvège (2012-2022). Il a été le premier titulaire de la Chaire d’étude sur le Québec contemporain de l’Université Sorbonne Nouvelle (2007-2008) et le titulaire de la Chaire de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique (2015-2019). Au cours de sa carrière, il a dirigé de nombreux projets de recherche individuels et collectifs. Ses travaux ont mené à de nombreuses interventions (livres, articles, chapitres, entrevues, conférences, communications, organisations de colloque). Il a entre autres enseigné dans une quarantaine d’universités, dont l’Université de Lund, Paris 3, Paris Sorbonne, Helsinki, Stockholm, d’Islande, du Groenland, de Buenos Aires, de Hokkaido, de Groningue et Yale.